Page:Mallarmé - Les Dieux antiques.djvu/326

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Secoue au vent des mers un reste de langueur,
Éclate, et lève-toi dans toute ta vigueur !

Ta demeure est au bord des océans antiques,
Maître ! Les grandes eaux lavent tes pieds mystiques.

Mieux que l’oiseau géant qui tourne au fond des cieux,
Tu montes, ô guerrier, par bonds victorieux ;
Tu roules comme un fleuve, ô Roi, source de l’Être !
Le visible infini que ta splendeur pénètre,
En houles de lumière ardemment agité,
Palpite de ta force et de ta majesté.
Dans l’air flambant, immense, oh ! que ta route est belle
Pour arriver au seuil de la nuit éternelle.
Quand ton char tombe et roule au bas du firmament,
Que l’horizon sublime ondule largement !
Ô Sûryâ ! Ton corps lumineux vers l’eau noire
S’incline, revêtu d’une robe de gloire ;
L’abîme te salue et s’ouvre devant toi :
Descends sur le profond rivage et dors, ô Roi !

Ta demeure est au bord des océans antiques,
Maître ! Les grandes eaux lavent tes pieds mystiques !

Guerrier resplendissant, qui marches dans le ciel,
À travers l’étendue et le temps éternel ;
Toi qui verses au sein de la terre robuste
Le fleuve fécondant de ta chaleur auguste,
Et sièges vers midi sur les brûlants sommets,
Roi du monde, entends-nous, et protège à jamais
Les hommes au sang pur, les races pacifiques
Qui te chantent au bord des océans antiques !

Leconte de Lisle
(Poëmes antiques.)


MYTHOLOGIE SCANDINAVE

LA LÉGENDE DES NORNES
Première Norne.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Ô Nornes ! qu’ils sont loin, ces jours d’ombre couverts,

Où, du vide fécond s’épandit l’univers !
Qu’il est loin, le matin des temps intarissables,
Où rien n’était encor, ni les eaux, ni les sables,
Ni terre, ni rochers, ni la voûte du ciel,
Rien qu’un gouffre béant, l’abîme originel.
Et les germes nageaient dans cette nuit profonde,
Hormis nous, cependant plus vieilles que le monde !
Et le silence errait sur le vide dormant,
Quand la rumeur brûlante éclata brusquement.
Du Nord, enveloppé d’un tourbillon de brume,
Par bonds impétueux quatre fleuves d’écume
Tombèrent, rugissants, dans l’antre du milieu.
Les blocs lourds qui roulaient se fondirent au feu :
Le sombre Ymer naquit de la flamme et du givre,
Et les géants, ses fils, commencèrent de vivre.