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Page:Mallarmé - Les Dieux antiques.djvu/329

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Il méditait, avec Thémis dans sa poitrine,
Calme, et si patient que les sœurs d’Arachné,
Entre le froid conseil de Minerve émané,
Et l’ordre retoudable attendu par Mercure,
Filaient leur toile au fond de sa pensée obscure.

. . . . . . . . . . . . . . . . . .
Au-dessus de l’Olympe éclatant, au delà
Du nouveau ciel qui naît et du vieux qui croula,
Plus loin que les chaos, prodigieux décombres,
Tournait la roue énorme aux douze cages sombres,
Le Zodiaque, ayant autour de ses essieux
Douze spectres tordant leur chaîne dans les cieux ;
Ouverture du puits de l’infini sans borne ;
Cercle horrible où le chien fuit près du capricorne ;
Orbe inouï, mêlant dans l’azur nébuleux
Aux lions constellés les sagittaires bleus.

Victor Hugo
(Légende des Siècles.)


LE SANGLIER


C’était auprès d’un lac sinistre, à l’eau dormante,
Enfermé dans un pli du grand mont Erymanthe,
Et l’antre paraissait gémir, et, tout béant,
S’ouvrait, comme une gueule affreuse du néant.
Des vapeurs en sortaient, ainsi que d’un Averne.
Immobile et penché pour voir dans la caverne,
Hercule regarda le sanglier hideux.
Les loups fuyaient de peur, quand il s’approchait d’eux,
Tant le monstre effaré, s’il grognait dans sa joie,
Semblait effrayant, même à des bêtes de proie.
Il vivait là, pensif, Lorsque venait la nuit,
Terrible, emplissant l’air d’épouvante et de bruit
Et cassant les lauriers au pied des monts sublimes,
Il allait dans les bois déchirer ses victimes ;
Puis il rentrait dans l’antre, auprès des flots dormants.
Couché sur la chair morte et sur les ossements,
Il mangeait, la narine ouverte et dilatée,
Et s’étendait parmi la boue ensanglantée.
Noir, sa tanière au front obscur lui ressemblait.
Les ténèbres et lui se parlaient. Il semblait,
Enfoui dans l’horreur de cette prison sombre,
Qu’il mangeait de la nuit, et qu’il mâchait de l’ombre.
Hercule, que sa vue importune lassait,
Se dit : « Je vais serrer son cou dans un lacet ;
Ma main étouffera ses grognements obscènes.
Et je l’amènerai tout vivant dans Mycènes. »
Et le héros disait aussi : « Qui sait pourtant,
S’il voyait dans les cieux le soleil éclatant,
Ce que redeviendrait cet animal farouche ?
Peut-être que les dents cruelles de sa bouche
Baiseraient l’herbe verte et frémiraient d’amour,
S’il regardait l’azur éblouissant du jour ! »
Alors, entrant ses doigts d’acier parmi les soies