Page:Mallarmé - Les Dieux antiques.djvu/62

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posant même qu’il ne soit pas absurde d’appeler d’un nom unique des déités invoquées dans deux langues différentes, c’est le nom grec qu’il eût convenu de donner sans distinction aux déités helléniques et à celles italiques, et non le nom latin, ainsi qu’on l’a longtemps fait chez nous. Nous reconnaîtrons cependant qu’à la séparation des Pélasges, qui vinrent habiter presque simultanément la Grèce et l’Italie, survécut ici et là un fond commun de traditions, lequel ne s’oblitéra pas totalement en Italie, et, tout au moins, prédisposa les esprits à une juxtaposition aisée des déités grecques, quand celles-ci pénétrèrent dans cette contrée fraternelle.

La prétendue mythologie latine du siècle de Virgile et d’Horace est une pure copie du grec, et à peine peut-on en conséquence la regarder comme latine. Toutefois il y a une mythologie latine qui ne résulte en rien d’un emprunt de ce genre. Avant que les tribus latines aient eu des relations avec les tribus grecques, elles possédaient leurs propres déités et des êtres surnaturels dont le caractère dénota le culte d’un peuple occupé principalement à labourer la terre. Ces déités avaient leur nom, avec certaines qualités ou dispositions qui leur étaient inhérentes, mais il ne se racontait d’elles que peu ou pas de légendes. Aussi, quand les tribus latines se mêlèrent de colons grecs, fut-on tenté d’identifier d’abord les dieux latins avec les dieux grecs, et de transporter de bonne heure chez les déités latines toutes les légendes que les Grecs relataient de leurs propres personnages mythiques. Ce faisant, on introduisit quelques nouveaux traits : fort rarement. On se contentait d’ordinaire d’attribuer