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ou plusieurs de ces belles qualités que l’on sentait bien devoir accompagner la nature, non pas de Zeus, fils de Cronos, mais de la divinité pure, noble et paternelle.

Jupiter. — Jupiter, ce nom qui correspond exactement au Zeus-pater du grec et au Dyaus-pitar de l’hindou, désigne le Dieu suprême ; mais pour les premiers Latins il n’évoquait aucun conte mythique pareil à ceux de la mythologie grecque. Le mot garda du reste pour les Latins sa signification originelle de Ciel ou de firmament visible : on parlait d’être « sous le frais et clair Jupiter » ; et le nom osque Lucerius ou Lucesius (parent de Lycégène, appellation de Phoibos) désigne le firmament brillant et lumineux. Quant au dieu même, on l’invoquait à la faveur de différentes épithètes, suivant le motif qui faisait désirer son aide. Ainsi, en tant qu’appelant la foudre sur la terre, il était Jupiter Élicius ; en tant que donnant la pluie, Jupiter Pluvius ; en tant que protégeant les bornes des territoires ou des propriétés, Jupiter Terminus (le Zeus Horios des Grecs).

J’ai parlé de Cronos à propos de Zeus, de même à propos de Jupiter je parlerai de Saturne. Toutefois ce dieu latin, qu’on a identifié au dieu grec, n’a pas avec lui de trait vraiment commun. Le nom de Saturnus désigne quelqu’un qui sème le grain, répondant ainsi entièrement au Triptolème des Grecs. La femme du dieu, Ops, déesse de la richesse et de la fertilité, a été, sans plus de fondement, identifiée à Rhéa. Saturne passa pour s’être évanoui des régions de la terre après avoir accompli son œuvre ; et l’on crut que le pays du Latium tira ce nom de ce qu’il était le lieu de retraite du dieu. L’origine vraie du mot