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pépins de grenade, et elle fut par cela contrainte à retourner aux domaines lugubres du roi. Obligée d’y consentir et ne pouvant pas garder toujours sa fille avec elle, Déméter convint que Perséphone passerait un certain nombre de mois de chaque année (les uns disent quatre, d’autres six) avec Hadès. Souvenir de sa présence à Éleusis : elle ordonna à Kéléos de bâtir un temple de son culte, et initia ce prince, ainsi que le peuple, aux grands mystères éleusiniens qui se célébrèrent régulièrement en son honneur dans ce lieu. Cette légende, pour les gens d’Éleusis, impliquait des événements qu’ils croyaient réellement arrivés dans le pays ; mais l’origine en est tout autre : elle dérive de phrases anciennes, ayant d’abord désigné le retour différent de l’été et de l’hiver.

Qu’est-ce donc que Déméter (fig. 44) ? C’est la terre, qu’on appelait « la mère de toutes choses » et plus particulièrement la mère des « vierges » (Korè) : invocations qui préparaient son fondement à la Fable racontée.

Exemple : les hommes avaient dit autrefois, quand venait l’heure du printemps, que « voici revenir la fille de la Terre dans toute sa beauté » ; et quand se flétrit l’été devant l’hiver, que « la belle enfant avait été dérobée à sa mère par de sombres êtres qui la tenaient prisonnière sous le sol ». Ainsi le chagrin de Déméter n’est autre chose que l’obscurité qui tombe sur la terre pendant les tristes mois de l’hiver. Cette histoire se trouve au nombre des légendes d’autres nations, et présente même beaucoup de variantes, spécialement dans les chants des contrées septentrionales. Perséphone y est une belle vierge qui, pendant que la terre est morte et froide au dehors, gît enveloppée de sommeil et cachée à tous les