Page:Mallarmé - Notes sur le théâtre.djvu/22

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la cité médiocre et sans conter ta déception ni t’en prendre à personne, fais-toi, hôte présomptueux de l’heure, reverser par le train dans quelque coin de rêverie insolite ; ou bien reste, nulle part tu ne seras plus loin qu’ici, puis commence à toi seul, selon la somme amassée d’attente et de songes, ta nécessaire représentation. Satisfait d’être arrivé dans un temps où le devoir qui lie l’action multiple des hommes, existe mais à ton exclusion, ce pacte déchiré parce qu’il n’exhiba point de Sceau.

Que firent cependant les Messieurs et les Dames issus à leur façon pour assister, en l’absence de tout fonctionnement de gloire ou de magnificence, selon leur unanime désir précis, à une pièce de théâtre : il leur fallait s’amuser nonobstant ; ils auraient pu, tandis que riait en train de sourdre la Musique, y accorder quelque pas monotone de salons. Mais le jaloux orchestre ne se prête à rien d’autre que d’idéales signifiances exprimées par la scénique sylphide. Conscients d’être là pour regarder, sinon le prodige de Soi ou la Fête ! du moins eux-mêmes ainsi qu’ils se connaissent dans la rue ou à la maison, voilà au piteux lever de la toile de pourpre peinte, qu’ils envahirent, les plus impatients, le proscénium, agréant de s’y comporter ainsi que quotidiennement et partout : ils salueraient, causeraient à voix superficielle des riens dont avec précaution est faite leur existence, durant quoi les autres demeurés en la salle se plairaient, détournant leur tête la minute de laisser scintiller des diamants d’oreilles qui habillent. Je suis pure de cela qui se passe sur la scène ou la barre de favoris couper d’ombre une joue comme par un Ce n’est pas moi dont il est ici question, conventionnellement et distraitement à sourire à l’intrusion sur le plancher divin : lequel, lui, ne la pouvait endurer avec impunité, à cause d’un cer-