Page:Malo - Une muse et sa mere.pdf/100

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En sortant du Trésor, Napoléon s’assied sur le fauteuil de marbre où s’asseyaient pour leur couronnement les empereurs d’Allemagne, et sur lequel Othon III avait découvert le corps de Charlemagne. Que de rapprochements alors dans les esprits ! et que n’augure-t-on pas du règne qui commence !

Sophie Gay admire ces grandeurs. Le respect ne lui enlève pas sa présence d’esprit. Le jour où Napoléon l’aborde à sa manière brusque, elle lui répond du tac au tac.

— Madame, ma sœur vous a dit que je n’aimais pas les femmes d’esprit ?

— Oui, Sire, mais je n’en ai rien cru.

— Vous écrivez ? Qu’avez-vous fait depuis que vous êtes ici ?

— Trois enfants, Sire.

Il sourit, et passe, à ce rappel de sa réplique fameuse à Mme de Staël en 1797.

De fait, une des amies de Sophie Gay disait :

— Est-elle heureuse, cette Mme Gay, elle fait tout bien : les enfants, les livres, et les confitures[1].

— Peut-on un éloge plus complet ?

Elle et son mari ont connu Maret, et sollicité l’honneur de l’héberger. Maret travaille la nuit jusqu’à deux heures du matin. S’il entend encore parler dans le salon, il entr’ouvre la porte de son cabinet, et demande s’il n’est pas de trop. On l’accueille avec joie dans ce cercle de bons rieurs et de causeurs spirituels, artistes, aides-de-camp, maré-

  1. Th. Gautier : Portraits contemporains, p. 22.25.