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portrait peint à Milan par Appiani confirme cette impression[1]. Faisant allusion à ces images, plus tard, devenue vieille, Mme Regnault de Saint-Jean d’Angély dira à la plus jeune fille de Sophie Gay, en mettant de l’ampleur dans sa phrase, et des accents circonflexes :

— Va voir dans le salon comme j’étais belle ![2].

On la surnomme, en effet, belle et bonne. L’empereur se montre quelquefois dur pour elle : sous la Restauration, elle ne se rappellera que ses bienfaits, et ne demandera jamais aux Bourbons sa pension de veuve d’un conseiller et ministre d’État. Elle sculpte et chante ; toute jeune, elle assista au fameux souper grec de Mme Vigée-Lebrun ; elle a affronté la Conciergerie avec calme ; aujourd’hui, elle est fort « de la cour », et réunit dans son salon une société d’élite, bien que le duc de Broglie, qui en est, remarque que l’on y voit « plus d’hommes que de maris ». Les femmes, outre Sophie Gay, sont Mme Récamier, Mme de Staël, Mme Hamelin, et les hommes, Garat, Gérard, Millin, Arnault, Foureroy, Chaptal, le duc de Bassano, La Fayette, Benjamin Constant, Auguste de Colbert, le comte de Fuentès, Alphonse Pignatelli[3].

Sophie Gay fréquente le salon de Talma, où grands du jour, courtisans de l’ancien régime, artistes, hommes de lettres, savants, intrigants,

  1. Le portrait de Gérard est au Louvre ; celui d’Appiani à Versailles.
  2. Rapporté par Mme Détroyat.
  3. Coulmann : Réminiscences, I, 179. — Mme Vigée Lebrun : Souvenirs, Paris, 1835, deux volumes in-8o, I, 100. — P. de Saman : les Enchantements de Prudence, p. 10. — Duchesse d’Abrantès : Histoire des salons de Paris, VI, 363. — Turquan : les Sœurs de Napoléon, p.268.