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    Parfois de ses chagrins tu plaignais Léonie
    Et, sans les imiter, tu riais de ses torts ;
    Plus sage en tes projets, sans ruses, sans efforts,
    Tu m’as laissé le soin du bonheur de ta vie.
    Le choix de cet époux qui devait te chérir
    À ma tendresse fut confié par toi-même ;
    Je le vois t’adorer presqu’autant que je t’aime.
    Et ce que j’ai rêvé, tu viens de l’accomplir[1].

En 1815, elle publie Anatole, à coup sûr un des meilleurs romans parus à cette époque, d’ailleurs inféconde à ce point de vue. Il reçoit le meilleur accueil. Une amie de Gœthe informe Sigismond Gay que le dieu de Weimar place les romans de Sophie Gay sur les rayons de sa bibliothèque, et regarde celui-ci « comme l’ouvrage le mieux écrit et le plus rempli d’idées fines, spirituelles, d’appréciations profondes, de connaissance du cœur humain qui ait été imprimé depuis vingt-cinq ans ». Des visiteurs le verront à Coppet, dans la bibliothèque de Mme de Staël, où, par une singulière rencontre, il voisine avec les ouvrages de Mme de Genlis[2].

On composerait aisément un florilège d’observations mondaines et de pensées curieuses en cueillant, deci delà, une phrase dans les pages de ce livre : « L’amour-propre rend plus souvent injurieux qu’injuste. — Le plus grand malheur d’une femme n’est pas de succomber au sentiment qu’elle a éprouvé, mais au caprice qu’elle inspire. — Je vous demande pour ma franchise la même indulgence que l’on accorde ordinairement à la dissimulation.


  1. Sainte-Beuve : Lundis, VI, 52. — Lov., D, 2058, f. 46.
  2. Lettre de Sigismond Gay à Delphine Gay, 31 août 1821, Arch. Détroyat. — Coulmann : Réminiscences, II, 114.