Page:Malo - Une muse et sa mere.pdf/143

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Les deux femmes jettent en cette rencontre les bases d’une collaboration plus importante. Sophie Gay arrange le texte d’une comédie de Regnard, la Sérénade, de telle sorte que Sophie Gail puisse y adapter les morceaux de chant qu’elle a exécutés dans son salon avec le plus de succès, notamment le fameux Pescatore dell’onda [1].

La première représentation de la Sérénade a lieu au théâtre Feydeau, le 2 avril 1818. Le baryton Martin s’y taille un succès. Hippolyte Auger y assiste dans la loge des auteurs. Il rapporte que l’accueil douteux du public suscite un débat d’amour-propre entre les deux Sophie, « rejetant naturellement l’une sur l’autre cette froideur » dont il certifie l’injustice. La partition contient de fort jolies choses, de l’avis même de Garcia qui en fredonnait tous les morceaux ; sans compter qu’à l’esprit de Regnard, Sophie Gay a ajouté le sien, « ce qui n’est pas peu dire ». La Quotidienne affirme au contraire que la pièce « a été vivement applaudie ; un dialogue plein de naturel et de franchise, une musique variée et spirituelle en ont amené le succès ». La suite donne raison à ce pronostic. Le Dictionnaire des opéras, de Clément et Pierre Larousse, cède à des préoccupations antiféministes : « Il est singulier que les femmes qui écrivent pour le théâtre soient moins réservées dans le choix des situations et même dans celui des expressions que les hommes. La pièce de Mme Sophie Gay non seulement offense ce qu’on appelle les mœurs dramati-

  1. Lettre de S. Gay à Euphémie Eulart, 18 août 1817, arch. Eulart. — Hipp. Auger : Mémoires, p. 149 et s.