Page:Malo - Une muse et sa mere.pdf/161

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complet tient ses assises, poètes, peintres et musiciens. Balzac appelle irrévérencieusement Nodier « un sous-genre dans l’histoire naturelle de la littérature », et le Rivarol de 1842 le définit : « Notre dernier casuiste grammatical ». Il ne s’entoure que de jeunes ; il a su conquérir, et il garde, leur amitié. Jal, le père du célèbre Virgilius nauticus, en a tracé un excellent portrait. Nodier se tient le plus souvent dans la chambre de sa femme. « Chambre simple, frottée, luisante ; quelques portraits au mur. C’est là qu’après dîner il reçoit ses amis, avec le sourire lumineux qui éclaire ses joues creuses. Ils entrent comme chez eux, sans qu’il se lève de son fauteuil ; son corps fatigué et courbé se replie à moitié sur lui-même, ses grandes jambes croisées semblent ne pas oser se développer, son pantalon a peine à rattraper ses pieds ; ses bras, las comme son buste, abandonnent ses mains effilées, froides et décolorées, et de ce corps efflanqué, de cette négligence, il se dégage, sans qu’on puisse dire pourquoi, un charme inexplicable. Cette grande araignée tend une toile invisible où tout le monde se prend, depuis les plus petits enfants jusqu’aux grands poètes ; c’est la grâce. Assise en face de lui, Mme Nodier · avance ses jolis pieds, accueillante, accorte, souriante, et laissant voir ses belles dents ; sa figure vive et éclatante comme un bouquet égaie et rafraîchit la vue. » Bientôt s’y ajoute la grâce juvénile de Marie Nodier.

On dit des vers ; Lamartine se campe debout, une main passée en écharpe dans les boutons de l’habit, et module les stances du Lac. Nodier bat les cartes,