Page:Malo - Une muse et sa mere.pdf/162

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et joue ; sa fille se met au piano. On chante la romance du jour. Puis les Werther, les René, les Obermann réunis là abandonnent comme une défroque leurs soupirs, leurs larmes, leurs angoisses, leurs terreurs ; ils allument des bougies partout, jusque sur le parquet ; et tous de rire et de danser. Une charmante eau-forte de Tony Johannot, où figure Delphine Gay, nous conserve le souvenir des joyeux ébats de la jeunesse romantique[1].

Pendant quarante ans, Mme Ancelot eut un salon qu’elle prit soin elle-même de décrire et de raconter ; elle l’a encore peint, à l’huile, aux cinq époques de son existence : en 1824, sous Louis-Philippe, en 1848, au début du règne de Napoléon III, et enfin en 1864. Véron a pu dire que ce fut une succursale de l’Académie française, et pour quelques-uns la porte d’entrée par où ils s’y introduisirent. Ancelot en personne fut du nombre ; Roger de Beauvoir griffonna à ce propos un quatrain :

    Le ménage Ancelot, par ses vers et sa prose,
    Devait à ce fauteuil arriver en tous cas,
    Car la femme accouchait toujours de quelque chose,
    Quand le mari n’engendrait pas.

Mérimée, la dent pointue, prétend que deux cale basses garnissaient la poitrine de la femme, qui ornait le front du poète Ancillus d’autre chose que des lauriers du génie. Sous la Restauration, elle

  1. Tony Johannot : Une soirée d’artistes, eau-forte. — M. Salomon : le Salon de l’Arsenal, dans Revue de Paris, 1906, V, p. 313. — Mme Ancelot : les Salons de Paris, p. 303. — Jal : Souvenirs d’un homme de lettres, p.546. — André Pavie : Médaillons romantiques, Paris, 1909, in-8°, p.3.— Le Rivarol de 1842, p. 138. — Balzac : Correspondance (1819-1850), Paris, 1877, deux volumes in-18, I, 91.