Page:Malo - Une muse et sa mere.pdf/217

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De dix-neuf ans plus âgé que Delphine, il connut Sophie Gay dès qu’il arriva à Paris. Éborgné par une balle dès le collège, ce gros homme réussit à faire oublier cette disgrâce par son esprit, sa distinction, sa voix au timbre flatteur, insinuant, carressant, voluptueux. Il a le cœur ardent et passionné, le tempérament vif et amoureux. De goût sûr, il manque de style. Son esprit lui suggère d’impitoyables épigrammes. C’est un rude jouteur pour Sophie Gay, qui ne l’appelle jamais que « mon ennemi intime ». Pourtant, il lui a voué une amitié qui ne se démentira jamais.

Le groupe de la Muse française vient de l’éliminer. Retiré à Aulnay, dans la Vallée-aux-Loups, il voisine parfois avec les habitantes de Villiers. « Puisque vous avez bravé le temps hier, lui écrit Sophie Gay, vous pourrez bien supporter celui d’aujourd’hui… J’ai l’âme fort triste, et pourtant j’ai promis de ne pas paraître malheureuse. Venez m’aider à tenir ma parole ». À Delphine, il envoie des billets de ce goût : « J’apprends que vous êtes dans votre village. Je maudis l’absence de toute santé qui m’empêche d’aller au-devant de vous : c’était le devoir du plus humble vassal de votre talent. Soyez la bienvenue ici ! Je ne désespérerai plus d’y retrouver Hygie (vieux style), puisque la Muse ne dédaigne pas d’y descendre. Le paysan d’Aulnay envoie l’hommage de son bon souvenir à la fée de Villiers. Je ferais un sonnet sur votre apparition si je me rappelais de (sic) mon métier de rimeur. Mais j’espère que vous reviendrez bientôt dans votre vallée. Je vais reprendre des forces