Page:Malo - Une muse et sa mere.pdf/254

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j’arrive bien tard, bien reconnaissante et honteuse. Si ma chère interprète [Sophie Gay], qui me con naît si bien dans mes sentiments pour vous, n’avait été priée dès longtemps de vous remercier d’un sou venir qui m’a rendue heureuse, je serais toute empêchée pour m’excuser de ne l’avoir pas fait moi même comme j’en éprouvais le besoin. Mais, mademoiselle, le motif en est assez mélancolique pour toucher votre âme : depuis la naissance de mon dernier enfant, j’ai subi trois maladies, et je sais à peine si j’existe. Je ne prolongerai pas mes plaintes sur moi. Je suis trop pressée de vous exprimer mon plaisir en recevant votre charmant ouvrage. Si vous connaissez la teinte de mon caractère, vous ne serez pas étonnée que j’aie lu et que je relise avec une tendre préférence Madame de La Vallière, Elgise, la Veuve de Naïm, et le pur fragment de la Magdeleine. Tout cela m’enchante, parce que, en y trouvant comme partout le talent le plus élevé, mon cœur s’y attache à des vers de votre cœur, et j’en éprouve un bonheur reconnaissant comme si vous les aviez faits pour moi ; il est certain que votre gloire ne me sera jamais étrangère. Je n’en jouirai pas de bien près, mais tous mes vœux vous suivront dans cette carrière brillante où vous ne devez rencontrer que des cœurs bienveillants et bons comme le vôtre.

» Votre charmante mère m’oublie, et non pas moi. Il est vrai que la reconnaissance est de mon côté, et qu’elle donne de la mémoire. Mais j’ai ouï dire que l’on se lie par le bien que l’on a fait : jamais à ce compte Mme Gay ne se détachera entièrement de celle qui sera toujours d’elle