Page:Malo - Une muse et sa mere.pdf/266

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veilleux spectacle. « Elle était à demi assise sur un tronc d’arbre que les enfants des chaumières voisines avaient roulé là pour les étrangers ; son bras, admirable de forme et de blancheur, était accoudé sur le parapet. Il soutenait sa tête pensive ; sa main gauche, comme alanguie par l’excès des sensations, tenait un petit bouquet de pervenches et de fleurs des eaux nouées par un fil, et qui traînait, au bout de ses doigts distraits, dans l’herbe humide. Sa taille élevée et souple se devinait dans la nonchalance de sa pose ; ses cheveux abondants, soyeux, d’un blond sévère, ondoyaient au souffle tempétueux des eaux, comme ceux des sibylles que l’extase dénoue ; son sein gonflé d’impression soulevait fortement sa robe : ses yeux, de la même teinte que ses cheveux, se noyaient dans l’espace. Son profil légèrement aquilin était semblable à celui des femmes des Abbruzzes ; elle les rappelait aussi par l’énergie de sa structure et par la gracieuse cambrure du cou. Ce profil se dessinait en lumière sur le bleu du ciel et sur le vert des eaux ; la fierté y luttait dans un admirable équilibre avec la sensibilité ; le front était mâle, la bouche féminine ; cette bouche portait, sur des lèvres très mobiles, l’impression de la mélancolie. Les joues pâlies par l’émotion du spectacle, et un peu déprimées par la précocité de la pensée, avaient la jeunesse, mais non la plénitude du printemps c’est le caractère de cette figure qui attachait le plus le regard en attendrissant l’intérêt pour elle. Plus fraîche, elle aurait été trop éblouissante. Sa tête, et le port de sa tête, rappelaient trait pour trait en femme celle de l’Apollon du Belvédère en