Page:Malo - Une muse et sa mere.pdf/27

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sociable. Il avait dédaigné de lui adresser la parole, et préférait la conversation des hommes.

Elle éprouvait pour Alfred de Musset une sorte de tendresse indulgente. Elle me le décrivait physiquement pas très grand, le dos large et un peu voûté, la redingote pincée à la taille, la démarche élégante et désinvolte.

— Tiens ! disait-elle, il ressemblait exactement comme allure à M. G. P.

Je compris, lorsque je vis le portrait aux deux crayons de Franck Lamy : ses commentaires me permirent de l’interpréter, et maintenant, grâce à elle, je suis sûr que je me fais de l’aspect physique du poète une image bien proche de la vérité. Je recueillis d’elle cette anecdote, assez pénible : un soir, après le spectacle, Musset conduisit Rachel en voiture chez Mme  de Girardin. Il avait bu. En route, il en éprouva l’inconvénient, et la robe de la tragédienne en supporta les conséquences. Cruellement, elle déclara, montrant sa robe :

— Je vous apporte la dernière production de notre grand poète, Alfred de Musset.

Cette autre rachète la précédente : dans un salon, Hugo, Lamartine et Musset sont réunis ; un domestique présente un billet sur un plateau. L’adresse porte : « Au plus grand poète français contemporain. » Hugo et Lamartine étendent simultanément la main ; bien entendu, Hugo s’empare du billet. Il le décachète, et lit : « Mon cher Alfred… »

Mlle  Labarre ne partageait pas cette opinion. Son grand homme, son héros, son dieu, c’était Lamartine. Elle disait « Hugo », et « Alfred de Musset »,