Page:Malo - Une muse et sa mere.pdf/272

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ils ne savent que faire de leurs yeux, au milieu de tant de charmes ; j’en ai vu se détourner pour ne pas les voir ; les abbés romains les regardent fixement avec une intrépidité tout à fait louable. Parmi les petits plaisirs que peut donner la haute société, un des plus grands est de voir un cardinal, en grand costume rouge, donner la main, pour la présenter dans un salon, à une jeune femme aux yeux vifs, brillants, étourdis, voluptueuse et vêtue comme je l’ai dit. On passe trois heures ensemble à se regarder, à circuler, à prendre d’excellentes glaces, et l’on se sépare pour se retrouver le lendemain. »

À une réunion de ce genre, le 21 novembre 1826, chez le fameux prince-banquier Torlonia, qui reçoit une fois par semaine tous les étrangers de distinction dans son superbe palais, Delphine voit la fille de la comtesse Anna Potocka faire son entrée dans le monde ; la beauté de la future princesse San guszko produit sur elle une si vive sensation qu’elle lui inspire sa charmante poésie de Nathalie : « Elle m’est apparue au milieu d’une fête… » D’ailleurs, la beauté de Delphine elle-même n’est pas moins appréciée. « Hier, dit la comtesse Potocka, Mlle Gay apparut jeune et belle comme Corinne. Rarement une femme reçut en partage un si beau talent et sut, comme elle, voiler son génie avec tant de simplicité, de candeur et de modestie. Je voudrais l’entendre au Capitole et l’y voir couronnée. » Et Catherine de Wurtemberg : « Elle réunit la jeunesse et la beauté au talent, et lorsqu’elle récite ses vers, elle prend vraiment la forme d’une Muse ».