Page:Malo - Une muse et sa mere.pdf/278

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inventions nouvelles ; si l’on est six, on peut parler politique et philosophie ; si l’on est quatre, on ose parler de choses sentimentales, de rêves de cœur, d’aventures romanesques.

— Et si l’on est deux ?

— Chacun parle de soi ; le tête à tête appartient à l’égoïsme.

Ainsi la phrase mystérieuse voulait dire tout simplement : nous serons dix à table. Le soir, à huit heures, on prend le thé. Des environs, même de Munich, des visiteurs viennent se joindre aux invités qui séjournent au château. Bocher avec son père et sa mère, son frère et sa sœur, y demeure quelque temps en cet été de 1827, en même temps que Sophie et Delphine Gay. Les autres convives sont Mme Récamier, le prince Czartorisky, le prince de la Moskowa, le comte de Boubers, le colonel Bracke. Le soir, on se livre aux jeux innocents, on joue des charades. Delphine récite des vers. La reine prend sa harpe, dont elle joue à ravir, et s’accompagne. Elle chante d’une voix faible et brisée, mais d’une douceur tellement pénétrante qu’elle produit une profonde impression,… elle chante : « Partant pour la Syrie, — Ni jamais, Ni toujours », et autres romances élégiaques et naïves. On achève la soirée en dansant des valses et des mazurkas.

Quelle que soit l’innocence de ces jeux et de ces passe-temps, la police de la Restauration ne les perd pas de l’œil. Et cet œil terrible s’arrête encore une fois sur Sophie Gay. Dans son rapport du 9 septembre 1827, le préfet du Haut-Rhin glisse cette phrase : « Parmi les noms des personnes qui me