Page:Malo - Une muse et sa mere.pdf/288

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dans la teinte blonde des cheveux qui tombaient sur ses épaules en boucles abondantes et soyeuses. Il y avait dans tout cela une apparence de mise en scène, comme d’une statue qui s’offrirait d’elle même à l’admiration des amateurs. En guise de piédestal, la statue s’assit sur une chaise isolée au milieu de la pièce, de façon à pouvoir être contemplée sous toutes ses faces. La pose était conforme aux préceptes de l’acteur Lafon, qui disait : « Regardez comme je m’y prends, car cela est essentiel au théâtre. Quand mon corps est par ici, ma tête est par là ; il n’y a que cela pour faire valoir les formes. » Fidèle à cette esthétique, obliquement posée sur son siège, ses beaux bras blancs ramenés de droite à gauche et les doigts de ses mains négligemment croisés sur ses genoux, la tête rejetée en arrière, les yeux au ciel, c’est-à-dire vers les corniches, Delphine Gay entama sa récitation. Sa voix était intentionnellement grave, langoureuse et comme sortant des profondeurs de son être. Elle faisait un peu contraste avec le sujet du chant qu’elle avait choisi, et qu’elle prit la peine de nous expliquer. Il était singulier, et fit d’abord dresser les oreilles. C’était le Diable prenant, pour tenter la Magdeleine, la figure de saint Joseph. Au bout de quelques vers, nous étions tous à nous regarder les uns les autres. À mesure qu’elle avançait dans sa déclamation, les mères présentes donnaient des signes visibles d’inquiétude ; quelques-unes avaient l’air de se demander si elles n’allaient pas emmener leurs filles. Mme Gay s’aperçut de l’effet, et, de cette voix retentissante dont j’ai parlé tout à l’heure,