Page:Malo - Une muse et sa mere.pdf/298

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écrit Delphine, cette pensée me rendrait bien fière, et je sens qu’elle deviendrait ma plus douce inspiration. Mais n’emploierez-vous pas à notre profit ce temps de retraite forcée ? La poésie est généreuse : faites qu’on pardonne à vos ennemis en prouvant combien le malheur peut servir au talent, et consolez-nous de votre long exil, en faisant parvenir jusqu’à nous ces chants à la fois si joyeux et si noblement tristes dont l’homme heureux répète les refrains, que le vieux soldat écoute en pleurant, et que le poète admire avec envie. » La flatterie porte sur cet immense orgueilleux. Il a composé jadis une chanson sur Mme Dufrénoy, considérée comme « la première de nos Muses » ; il la place même « bien au-dessus de celles qui ont pré cédé ». En principe, il déteste « ces femmes qui écrivent quand elles ne sont ni bonnes, ni belles », mais il a reconnu que Delphine possède les épaules d’une Vénus, et se décide à écrire pour elle une chanson, l’Ange exilé. Malheureusement, un jour que l’on parle devant Sophie Gay des éloges décernés par le chansonnier aux vers de sa fille, la mère de la Muse réplique :

— Delphine rend bien aussi justice à Béranger.

Le propos est répété ; il froisse une susceptibilité excessive, et, sous le titre de l’Ange exilé une destination idéale, Corinne de L…, remplace le nom de Delphine Gay. La chanson n’est d’ailleurs pas fameuse :

Qui peut me dire où luit son auréole ?
De son exil Dieu l’a-t-il rappelé ?
Mais vous chantez, mais votre voix console :
Corinne, en vous l’ange s’est dévoilé (bis).