Page:Malo - Une muse et sa mere.pdf/35

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ont fait de sa vie un véritable feu d’artifice : la robe longue et traînante qu’elle met pour la première fois embarrasse sa marche ; elle se retourne souvent pour la jeter en arrière ; une de ses compagnes, agacée de ce manège, dit :

— Cette Sophie est ennuyeuse avec sa tête et sa queue.

— Toi, ça ne te gênera pas, car tu n’as ni queue, ni tête[1].

Ce début promet, et la promesse sera tenue.

Sophie, à cette époque héritière bien née et bien apparentée, — elle cousine avec les Blottefière de La Viéville — est élevée dans une aristocratique pension. Elle a pour camarades des petites filles qui deviendront de grandes dames. Celle-ci, on la remarque déjà, montre une tête de Bretonne, des yeux bruns, des cheveux noirs, une taille courte ; l’ensemble du visage, que distinguent une bouche petite, un nez bien fait et un front très grand, annonce l’intelligence et la volonté. Claire-Louise Anne de Kersaint, dont le père montera sur l’échafaud, sera une des personnalités les plus en vue du monde parisien sous la Restauration, sous le nom de duchesse de Duras[2]. Théophile Gautier, qui s’y connaissait en poésie, qualifie la maîtresse de cette pension, Mme  Leprince de Beaumont, de « poète de la Belle et la Bête, du Prince charmant, du Magasin des Enfants ». Ayons la sagesse de l’en croire

  1. Notes manuscrites de Sainte-Beuve : collection Spoelberch de Lovenjoul, à Chantilly, qui sera désormais désignée : Lov., D, 1992, fol. 49. — Sainte-Beuve : Lundis, VI, p. 53 et s.
  2. A. Bardoux : la Duchesse de Duras, Paris, 1898, in-8o, p. 45.