Page:Malo - Une muse et sa mere.pdf/45

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vera toute sa vie, et les salons de la Restauration le lui reprocheront âprement[1].

Mme Hamelin, parente de Mme Regnault de Saint-Jean-d’Angély, intime de Mmes Tallien, Junot, Fonfrède, très liée ensuite avec Hortense Allart, se montre en rivalité avec Mme Récamier. Elle mène de front ses amours avec Montrond, « la bouche de Talleyrand », et le beau Fournier-Sarlovèze, « le plus mauvais sujet de l’armée », ce qui lui vaut, à elle, d’être appelée « le plus grand polisson de France ». En attendant de se séparer de son mari et de demander des subsides à la Police, elle s’entoure de demi-patriotes, résignés à entendre leurs grands noms précédés du titre de citoyens. Mme de Staël, retour d’exil, sans souci des opinions politiques, s’attache à recruter les hommes de mérite, et l’on appelle son salon l’hôpital des partis vaincus. Émigrés, républicains, ambassadeurs, journalistes, généraux patriotes et officiers vendéens s’y coudoient. « Les royalistes, les républicains jouent ensemble sans s’aimer, sans se craindre, comme joueraient de pauvres chiens édentés avec des chats sans griffes. » Mme de Staël réserve ses mots les plus piquants pour ses anciens amis, et les questions flatteuses, les saillies brillantes pour les nouveaux élus.

— Pour vous, demande-t-elle à Théodore de Lameth, j’en suis certaine, vous n’aimez pas Brutus.

— Lequel, madame ? Celui qui a tué son fils, ou celui qui a tué son père[2] ?

  1. Sophie Gay : les Malheurs d’un amant heureux, passim, et Salons célèbres, p. 110. — Edm. et J. de Goncourt : Histoire de la société française sous le Directoire, passim.
  2. Sophie Gay : les Malheurs d’un amant heureux, III, p. 115.