Page:Malo - Une muse et sa mere.pdf/44

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tion a ruinés rient aux dépens des nouveaux riches, aussi honteux de leur origine que fiers de leur argent. « Ainsi s’établit entre eux une sorte de commerce dont les bénéfices sont assez également partagés. Le parvenu veut briller, donner de grands repas, des fêtes, car que faire en un palais à moins que l’on n’y danse ? L’ancien propriétaire veut se divertir, et se parer encore aux yeux du monde des avantages qu’une éducation distinguée et des manières élégantes lui donnent sur l’ignorance et la grossièreté de ces Turcarets nouveaux. Ainsi l’un paie le festin dont l’autre fait l’agrément, et la gaieté gagne beaucoup à ce marché, car chacun sait que l’esprit ne s’amuse jamais mieux qu’aux dépens de la sottise[1] ».

Tandis que dans la société nouvelle la langue parlée a évolué et que l’orthographe se modifie, les hommes de cinquante ans de l’ancienne cour gardent leur prononciation. Ils disent Mahame, Mon cher aux hommes, il est maladret, il a crevé un geval pour vous aller voir. L’exil n’a pas fait tomber la poudre de la perruque des émigrés, qui arborent l’énorme cravate verte à la mode des Chouans. Les Incroyables, en habit bleu et pantalon jaune montant, zézaient avec une grâce affectée leur parler enfantin qui omet les r. Par contre, « les femmes ont des voix de crieuses de chapeaux » ; cette voix forte, ce parler bruyant, Sophie Liottier les conser-

  1. Sophie Gay : Constitutionnel, 8 mai 1851, et les Malheurs d’un amant heureux, I, p. 34, 159. — Turquan : Madame Récamier, Paris, sans date, in-16, p. 53. — Niel : Notice sur Garat, le célèbre chanteur, dans Mém. de la Société d’émulation de Cambrai, t. XVII, p. 90. — Henri Monnier : Mémoires de M. Joseph Prudhomme, Paris, 1857, p.263.