Page:Malo - Une muse et sa mere.pdf/49

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en style créole, équivaut au moins à douze, car dans nos colonies les femmes sont vieilles à trente-quatre ans.

— Je ne m’étonne pas qu’il en soit amoureux, elle est encore fort agréable.

— Ah ! ce qu’elle a de mieux, c’est son ascendant sur Barras.

Et le marquis de conter l’inconstance et la jalousie du vicomte de Beauharnais, dont sa femme souffrit : ce qui ne l’empêcha pas de le pleurer abondamment lorsqu’il passa de vie à trépas.

— Voilà bien les femmes : elles n’aiment et ne regrettent que ceux qui les tyrannisent.

— Cela n’est pas rassurant pour son nouveau mari, car il semble lui être bien soumis.

— Avec ce front et ce profil, on n’est soumis à personne. J’ai étudié Lavater, et, s’il faut l’en croire, ce petit gaillard-là ne doit pas être facile à mener.

Pendant ce dialogue à mi-voix, la gaîté de Mme Hamelin anime le dîner. Bonaparte reste silencieux. Au sortir de table, on passe dans un salon abondamment fleuri de jonquilles, de jacinthes, d’héliotropes. Mme Bonaparte se trouve mal ; on en accuse les fleurs. Mme Tallien, « toujours empressée d’être agréable à ses amis et de présager ce qui peut le mieux leur plaire », se penche vers Sophie Liottier et lui donne à entendre que cette indisposition a une tout autre cause. Bonaparte entend la confidence et, de longues années après, celle qui la reçut se rappelait l’expression de joie qui anima son visage. Sitôt sa femme revenue à elle, il lui serre la main, n’a pas l’air d’entendre l’adieu de