Page:Malo - Une muse et sa mere.pdf/54

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s’efforcent de plaire à Joséphine. Sophie Liottier a connu dans son enfance le père des deux Chénier. Elle a toujours été prévenue en faveur d’André. Elle a bien étudié le caractère de Marie-Joseph, et en donne un excellent portrait.

« L’esprit de Chénier joint l’emportement de la passion à l’impertinence de l’ironie. Dédaigneux pour tout ce qui n’exalte pas son imagination, sa préférence est une sorte de triomphe obtenu sur son amour-propre : on s’en trouve plus fier que flatté ; car quoiqu’elle soit rare, le mérite n’en est pas toujours l’objet. Sensible jusqu’à la faiblesse, généreux jusqu’à la prodigalité, vain jusqu’à la folie, impérieux jusqu’à l’insolence, l’amour du succès l’a seul porté à prendre cet état de républicain, auquel sa nature était complètement opposée. Mais il veut avant tout voir briller son génie, faire représenter ses ouvrages, jouir de la célébrité que lui promet tait un talent supérieur, réussir enfin ; et comme cela devient toujours moins difficile quand on se range du parti le plus fort, il s’est enrôlé dans les troupes de Robespierre, sans prévoir où ce chef sanguinaire le conduira. » Il lui est resté attaché par crainte plutôt que par opinion, et ce sera la source de la maladie qui mettra dix ans à le tuer. Dès l’époque où nous sommes, il a deviné, « grâce à son esprit d’auteur, le despote qui couve sous Bonaparte, dont la jalousie ne cessera de l’accabler sous les preuves d’une rancune vraiment italienne[1] ».

Sophie Liottier évoquera plus tard la quantité de

  1. Sophie Gay : les Malheurs d’un amant heureux, I, p. 166-171, et Ellénore, Paris, 1844-1846, quatre volumes in-8° (Introduction).