Page:Malo - Une muse et sa mere.pdf/59

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étrange sur la douleur, et le souvenir qui nous tue aujourd’hui devient plus tard une triste et douce volupté de l’âme. Je ne saurais peindre ce que j’éprouvais en retrouvant, dans un être complète ment étranger à moi, ces regards, ces gestes, ces inflexions auxquelles j’étais accoutumée à obéir, ce sourire gracieux qui me récompensait de tout. Mon imagination était quelquefois exaltée par cette ressemblance jusqu’à la folie. Je restais des heures entières à contempler ce beau visage, à suivre tous les mouvements de cette femme qui me faisait l’effet d’une résurrection. »

Mlle Contat n’est pas sans remarquer ce manège. Elle en parle au vicomte de Ségur, un intime de sa voisine. Ségur répète le propos. Sophie Gay promet que Mlle Contat n’aura plus à se plaindre de son importunité, mais le vicomte l’engage à se donner tout à son aise le plaisir de contempler la belle actrice :

— Vous êtes inconnue dans un village, et à la campagne on voisine toujours.

D’ailleurs, Mlle Contat reçoit ce qui reste de la meilleure compagnie de Paris On n’est pas exposé, dit le vicomte, à rencontrer chez elle les talents jacobins qu’accueille Sophie Gay : allusion à Talma, auquel Ségur en veut toujours pour avoir épousé Julie Carreau, qu’il aimait.

Quelques jours plus tard, Vigée, le frère de Mme Lebrun, l’illustre peintre, tout dévoué à Mlle Contat qui jouait sa pièce l’Entrevue à la Comédie Française, et qu’il inondait en vers de sa reconnaissance et de son admiration, propose à Sophie