Page:Malo - Une muse et sa mere.pdf/65

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La plume un peu pointue de Mlle Georges continue : elle est très aimable chez elle ; « malgré tout, il y a toujours de cette charmante impertinence dont elle s’est fait une agréable habitude. M. de Parny est un gentilhomme qui s’est placé, par attachement sans doute, dans une singulière position. On le prendrait volontiers, malgré ses excellentes manières aristocratiques, plutôt pour l’intendant de la maison que pour le futur époux de cette grande artiste. Moi, fort ignorante de cette vie intime, j’étais mal à l’aise quand M" Contat lui disait : « Sonnez, je vous prie, mon cher, pour qu’on verse le café ». Et voici com ment M" Georges a vu, sans indulgence, Sophie Gay : « J’ai dîné chez M" Contat, il y a deux jours, avec M" Gay. C’est une aimable et spirituelle femme ; mais, bon Dieu ! qu’elle doit être fatiguée ! Elle parle bien, mais elle parle sans discontinuer »[1].

Toujours sous le Consulat, le souvenir d’un dîner chez la marquise de Condorcet se grave dans la mémoire de Sophie Gay. La marquise de Condorcet, demeurée belle, abhorre la Terreur qui lui a pris son mari, mais conserve son enthousiasme pour les idées nouvelles, mitigé par le regret de quelques préjugés anciens. Suivant cette double disposition de son esprit, elle réunit dans son salon les repré sentants des partis les plus opposés. Ils se détestent, et font des frais pour se plaire, preuve de la puis sance de l’esprit qui répudie les opinions et les antipathies pour jouir du charme de la conversation. La misère et la mort ont établi une certaine égalité.

  1. Mlle Georges : Mémoires inédits, publiés par P.-A. Chéramy, Paris, 1908, in-18, p 168.