Page:Malo - Une muse et sa mere.pdf/67

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revenus d’un impôt du quart, il lance un distique :

    Moi j’ai payé mon quart, et dis avec Voltaire :
    À tous les cœurs bien nés que la patrie est chère !

À Elleviou qui le traite sans la moindre cérémonie, il fait ingénieusement sentir qu’il n’admet pas ce manque d’égards, en lui disant avec humilité :

— Monsieur, pourquoi ces airs de hauteur ? Depuis la Révolution, ne sommes-nous pas tous égaux ?

Aujourd’hui, cet élégant du dernier règne a gardé la raideur de sa taille droite, mais, sous son cha peau à cornes et sa perruque, il a perdu beaucoup de cheveux, et il affirme avoir donné un nom à chacun de ceux qui lui restent[1].

À gauche, Sophie Gay entend des sarcasmes amers contre l’esprit superficiel et la frivolité des gens de l’ancienne cour ; à droite, elle entend railler les ver tus civiques de ces fiers républicains qui mouraient de peur les uns des autres. En face, Benjamin Constant plaisante avec douceur, finesse et malice les ridicules prétentions des marquis de L’Œil-de-Bœuf et celles des jeunes Romains du Directoire ; Garat, « dont le républicanisme se disposait dès lors à tous les sacrifices qu’il a faits depuis au règne de l’empereur », n’émet que des aphorismes conciliants.

Sophie reproche au vicomte de Ségur de ne pas dissimuler sa malveillance pour Chénier, de le haïr si haut :

— Moi, le haïr ! dit Ségur en souriant, pas le moins du monde ! et pourvu qu’il veuille bien ne pas fraterni-

  1. Comte J. d’Estourmel : Derniers souvenirs, Paris, 1860, p.285. — Arnault : Souvenirs d’un sexagénaire, II, 166.