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      Vous avez su les égaler.
  Vous ne devez qu’à vous votre couronne ;
      Vous ne ressemblez à personne,
      Heureux qui peut vous ressembler
      Mais tais-toi, Muse trop sincère,
      Finis cet éloge indiscret :
  Vanter Sophie et dire qu’elle plaît,
      C’est le moyen de lui déplaire.
  Chacun le sait, le peintre de Ninon[1]
      Et le chantre brillant d’Aline[2]
Ont su faire agréer une louange fine,
Qu’ils relevaient encor par l’éclat de leur nom.
  C’était le droit des maîtres du Parnasse.
  En son honneur, ils ont tous deux écrit,
      Qui n’eût pas écrit à leur place !
  Toujours le goût, le bon ton et l’esprit
      Ont fait l’éloge de la grâce.

Entre temps, un livre autrement sensationnel vient de paraître. En décembre 1802, Mme de Staël publie Delphine. Elle touche à la religion, à la politique, au mariage, trois questions d’une actualité immédiate et qui soulevaient de vives animosités. « La thèse de Delphine, dit le grincheux Philarète Chasles, confusion des devoirs de l’homme et de ceux de la femme, insulte l’humanité et Dieu. C’est de ce roman que date la prétention des émancipées, prétention artificielle, fausse et ridicule, qui a taché, sinon souillé, quelquefois flétri, toujours rendu ridicules les femmes de mon temps. » Sophie Gay vit dans les salons où ce livre fait un bruit prodigieux. Elle lit les articles qu’il suscite au Journal de Paris, au Journal des Débats où on le


  1. Le vicomte de Ségur.

  2. Le chevalier de Boufflers.