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combat avec force. La réplique parue dans la Décade ne lui suffit pas. Indignée des phrases acrimonieuses et personnelles du Mercure, elle rompt une lance en faveur de Mme de Staël. Dans le Journal de Paris du 23 janvier 1803, elle signe Sophie XXX une « Lettre d’une mère à sa fille » où elle prend vivement parti.

Cette mère exprime ses angoisses en apprenant que sa fille vient de publier un roman. Sait-elle à quoi elle s’expose ? « Dans le siècle où nous sommes, ce ne sont plus les livres que l’on critique, ce sont les personnes que l’on déchire ». Le journaliste prouve par ses impertinences « qu’un pédant courageux ne craint pas plus une femme d’esprit, absente, qu’un grand homme enterré ». La célébrité est funeste pour les femmes comme le soleil pour la blancheur de leur teint. Sous Louis XIV, sous Louis XV, le talent des femmes a pu passer sans encombre à l’ombre du génie des hommes. Aujourd’hui, ce génie fait défaut, et l’on s’en prend aux femmes. « Attendez donc, ma chère, la naissance d’un chef-d’œuvre pour mettre au jour votre petit ouvrage. Alors, je serai plus tranquille pour mon Eugénie, les sots et les méchants auront une pâture. Mais d’ici-là, persuadez-vous bien qu’une femme ne peut se faire imprimer avec sécurité, qu’autant qu’elle a l’avantage de réunir trois choses indispensables : un esprit médiocre, des amis journalistes, et un mari en place. »

La thèse est singulière ; mais n’y a-t-il pas un accent personnel dans cette riposte ?

Pour mieux affirmer son drapeau, Sophie Gay