Page:Malo - Une muse et sa mere.pdf/93

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siège, la dame d’honneur lui fait signe de s’y asseoir, il les salue, et ne bouge pas. Joséphine a la charité de ne pas s’en apercevoir ; mais l’officier de gendarmerie chargé de l’espionner envoie son rapport à l’empereur, et c’est elle qui reçoit la réprimande pour avoir supporté une pareille familiarité.

Un autre officier, « intrépide soldat des armées républicaines, adorant Bonaparte, grognant sur ses décrets, mais lui obéissant en esclave », apprenant chez Sophie Gay l’arrivée à Aix de M. et de Mme de Turenne, s’écrie :

— À la bonne heure : puisque le général a la rage de vouloir mêler des noms aristocratiques aux nôtres, qu’il nous en donne comme celui-là ; il n’y a pas un colonel qui ne soit flatté d’être le camarade du petit-fils de Turenne !

Impossible de lui faire admettre que Turenne n’eut pas de fils, et que les ancêtres des muscadins d’émigrés ne se battaient pas moins bravement. Celui-là, le capitaine d’H…, commanda le peloton de gendarmerie d’élite qui fusilla le duc d’Enghien. Il pâlit à ce souvenir qui surgit dans une conversation avec Sophie Gay. À peu de jours de là, il lui dit :

— Vous m’en voulez d’avoir fait mon devoir ?

— C’est vrai ; mais c’est une injustice qui passera, j’espère.

— Jamais ! Les femmes sont comme les généraux en chef : il ne faut jamais leur raconter que ce qui nous fait honneur.

À dater de ce jour, elle ne l’a plus revu.