Page:Malot - Cara, 1878.djvu/288

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m’est nécessaire pour vivre honnêtement en veuve de Léon, et je ne pense pas que vous trouverez que ma demande est exagérée si je la porte à 25, 000 francs de rente, c’est à dire un capital de 500, 000 francs. En tout, et répondant à votre question, je vous dis que pour moi votre ami Léon vaut un million, si je vends tout de suite et comptant, deux si je vends à terme. Qu’est-ce que vous offrez ?

Quand on est né sur les bords du gave d’Oloron, on n’a pas beaucoup de flegme ; Byasson fit un saut sur sa chaise :

— Vous vous imaginez donc que Léon vous aimera toujours ? s’écria-t-il.

— Aimer ! dit-elle en souriant, je croyais que nous parlions le langage des affaires, au moins vous m’aviez dit que telle était votre intention ; est-ce qu’avec une femme comme moi un homme tel que vous peut employer un autre langage ?

— Mais…

— Vous voulez maintenant que nous parlions sentiment ; très-volontiers, et à vrai dire cela m’agrée : le sentiment, mais c’est notre fort à nous autres. Vous venez de me demander superbement si je m’imaginais que Léon m’aimerait toujours. Je ne peux pas répondre à cela, car toujours, c’est bien long. Seulement ce que je peux vous dire c’est que quand je voudrai Léon m’épousera. À combien estimez-vous la fortune de M. et de madame Haupois-Daguillon ? Dix millions, n’est-ce pas ? Ils ont deux enfants ; la part d’héritage de Léon sera donc de cinq millions. Or, c’est cinq millions que j’abandonne pour un million. C’est-à-dire que si j’étais une femme d’argent et rien que cela, je ferais un mar-