Page:Malot - Cara, 1878.djvu/289

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

ché de dupe. Mais si je ne suis pas une honnête femme selon vos idées, je suis une femme d’honneur, et puisque nous parlons maintenant sentiment j’ai le droit de dire que j’ai le sentiment de la famille. Voilà pourquoi je n’ai pas voulu jusqu’à ce jour que Léon m’épouse. Mais vous comprendrez qu’après cette entrevue, je n’aurais plus les mêmes scrupules si vous, mandataire de cette famille que je voulais ménager, vous repoussiez l’arrangement que je n’ai pas été vous proposer, mais que, sur votre demande, je veux bien accepter. Et n’imaginez pas qu’en parlant ainsi je me vante et j’exagère mon pouvoir sur Léon : quand je le voudrai j’en ferai mon mari, et vous devez sentir qu’il faut que je sois bien sûre de ma force, puisqu’à l’avance et sans craindre que vous puissiez m’opposer une résistance efficace, je vous dis ce que je ferai si nous ne nous mettons pas d’accord sur notre chiffre. Vous connaissez Léon, son caractère, sa nature ; c’est un garçon au cœur tendre et à l’âme sensible. Quand ces gens-là aiment, ils aiment bien, et vous savez qu’il m’aime, car s’il ne m’aimait pas il serait rentré dans sa famille, lui qui est la bonté même, pour ne pas désoler sa mère et son père. Pourquoi ne l’a-t-il pas fait ? Parce qu’il ne peut pas se détacher de moi, attendu que je le tiens par le sentiment aussi bien que par toutes les fibres de son être ; en un mot, parce que je lui suis indispensable. Ah ! c’est dommage que vous ne l’ayez pas marié jeune ; comme il eût aimé sa femme ! il a tout ce qu’il faut pour le mariage ; la tendresse, la douceur, l’amour du foyer et aussi la fidélité : il y a des hommes ainsi faits qui n’aiment qu’une femme ; tout d’abord ils l’aiment un peu, puis beaucoup, puis passionnément