Page:Malot - Cara, 1878.djvu/91

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Nous avons donc un double désir : te marier, te bien marier, et aussi ne pas nous séparer de toi. Ce double désir, nous croyons avoir trouvé le moyen de le réaliser. Ne devines-tu pas comment ?

Madeleine ne répondit pas. Pent-être, en attendant, trouverait-elle une réponse qui ne blesserait pas sa tante. Elle attendit donc.

— Le projet de ton oncle et le mien, continua madame Haupois Daguillon, c’est de te donner Saffroy pour mari.

Prévenue, Madeleine ne broncha pas.

— Tu ne dis rien ?

— Je n’ai qu’une chose à dire, c’est que je désire ne pas me marier.

— En ce moment, je te répète que nous comprenons cela. Mais je ne parle pas de demain. Je parle de l’avenir.

Cette ouverture fut pour elle un sujet de douloureuses pensées ; que diraient son oncle et sa tante lorsqu’elle déclarerait qu’elle ne voulait pas accepter Saffroy ? Ne verraient-ils pas dans cette réponse une marque d’ingratitude ? Et alors la tendresse qu’ils lui témoignaient, et qui était si douce à son cœur brisé, ne se changerait-elle pas en froideur ? Elle n’était pas leur fille ; et si elle voulait être aimée d’eux il fallait qu’elle se fît aimer, et c’était prendre une mauvaise route pour arriver au but que de les contrarier et de les blesser.

Comme elle cherchait, sans les trouver, hélas ! les raisons qui pourraient convaincre son oncle et sa tante qu’ils ne devaient pas se fâcher de son refus, elle reçut de Rouen une lettre qui, tout en lui causant un très-vif chagrin, lui parut propre à rompre complétement tout projet de mariage avec Saffroy.