Page:Malot - Cara, 1878.djvu/94

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avait fait une fois, il le faisait une seconde fois, une troisième, et toujours. Ainsi, ayant pris l’habitude de monter chaque jour les Champs-Élysées et de les redescendre, il ne dépassait jamais le rond-point de l’Étoile ; arrivé là, il faisait le tour de l’Arc de Triomphe, regardait pendant dix ou douze minutes le mouvement des voitures dans l’avenue du bois de Boulogne, et revenait à petits pas à Paris, prenant pour descendre le trottoir opposé à celui qu’il avait suivi pour monter.

Madeleine monta les Champs-Élysées, appuyée sur le bras de son oncle, sans oser aborder son sujet, s’excitant au courage, se fixant un arbre, une maison, un endroit quelconque où elle parlerait, et dépassant cette maison, cet arbre sans avoir rien dit ; combien de prétextes, combien de raisons même n’avait-elle pas pour se taire ! son oncle était distrait ; on les avait salués ; on allait les aborder.

Enfin, ils arrivèrent au rond-point de l’Étoile : il fallait se décider ou renoncer.

— Est-ce que nous n’irons pas un jour jusqu’au Bois ? dit-elle en s’efforçant de prendre un ton enjoué alors que son cœur était serré à étouffer.

— Jusqu’au Bois !

Et M. Haupois resta un moment stupéfait, se demandant ce que pouvait signifier une pareille extravagance. Mais c’était une voix douce et harmonieuse qui venait de lui parler, c’étaient de beaux yeux tendres qui le regardaient, il se laissa toucher.

— Au fait, dit-il, pourquoi n’irions-nous pas au Bois ?

— C’est ce que je me demande. Le temps est à souhait pour la promenade, ni chaud ni froid ; pas de poussière,