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Page:Malot - En famille, 1893.djvu/102

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EN FAMILLE.

le long des talus de la route, dans les fossés, les cornets roses des liserons et les fleurs bleues des chicorées pendaient flétris sur leurs tiges amollies.

Tout d’abord elle ne s’inquiéta pas de cette soif ; l’eau est à tout le monde et il n’est pas besoin d’entrer dans une boutique pour en acheter : quand elle rencontrerait une rivière ou une fontaine, elle n’aurait qu’à se mettre à quatre pattes ou se pencher pour boire tant qu’elle voudrait.

Mais justement elle se trouvait à ce moment sur ce plateau de l’Île-de-France, qui du Rouillon à la Thève ne présente aucune rivière, et n’a que quelques rus qui s’emplissent d’eau l’hiver, mais restent l’été entièrement à sec ; des champs de blé ou d’avoine, de larges perspectives, une plaine plate sans arbres d’où émerge çà et là une colline, couronnée d’un clocher et de maisons blanches ; nulle part une ligne de peupliers indiquant une vallée au fond de laquelle coulerait un ruisseau.

Dans le petit village où elle arriva après Écouen, elle eut beau regarder de chaque côté de la rue qui le traverse, nulle part elle n’aperçut la fontaine bienheureuse sur laquelle elle comptait, car ils sont rares les villages où l’on a pensé au vagabond du chemin qui passe assoiffé ; on a son puits, ou celui du voisin, cela suffit.

Elle parvint ainsi aux dernières maisons, et alors elle n’osa pas revenir sur ses pas pour entrer dans une maison et demander un verre d’eau. Elle avait remarqué que les gens la regardaient déjà d’une façon peu encourageante à son premier passage, et il lui avait semblé que les chiens eux-mêmes montraient les dents à la déguenillée inquiétante qu’elle était ;