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Page:Malot - En famille, 1893.djvu/114

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EN FAMILLE.

qu’elle le mangeait ; si mauvais qu’il fût, elle ne se plaindrait pas pourvu qu’il apaisât sa faim et la nourrît. Cependant, elle n’en put avaler que quelques morceaux, et encore cracha-t-elle presque tout le bois, après l’avoir tourné et retourné inutilement dans sa bouche ; les feuilles passèrent moins difficilement.

Pendant qu’elle faisait sa toilette, raccommodait ses bas, et tâchait de souper avec les branches du bouleau, les heures avaient marché, et quoique le ciel, toujours troublé de pluie, ne permît pas de suivre la baisse du soleil, il semblait à l’obscurité qui, depuis un certain temps, emplissait la forêt, que la nuit devait approcher. En effet, elle ne tarda pas à venir, et elle se fit sombre comme dans les journées sans crépuscule ; la pluie cessa de tomber, un brouillard blanc s’éleva aussitôt, et, en quelques minutes, Perrine se trouva plongée dans l’ombre et le silence : à dix pas, elle ne voyait pas devant elle, et, à l’entour, comme au loin, elle n’entendait plus d’autre bruit que celui des gouttes d’eau qui tombaient des branches sur son toit ou dans les flaques voisines.

Quoique préparée à l’idée de coucher là, elle n’en éprouva pas moins un serrement de cœur en se trouvant ainsi isolée, et perdue dans cette forêt, en plein noir. Sans doute, elle venait de passer, à cette même place, une partie de la journée, sans courir d’autre danger que celui d’être foudroyée, mais, la forêt le jour, n’est pas la forêt la nuit, avec son silence solennel et ses ombres mystérieuses, qui disent et laissent voir tant de choses troublantes.

Aussi ne put-elle pas s’endormir tout de suite, comme elle