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EN FAMILLE.

En entendant son nom il s’arrêta de la lécher, et relevant la tête il poussa cinq ou six braiments de joie triomphante, puis après ceux-là qui ne suffisaient pas pour crier son contentement, encore cinq ou six autres non moins formidables.

Elle vit alors qu’il était sans harnais, sans licol et les jambes entravées.

Comme elle s’était soulevée pour lui prendre le cou et poser sa tête contre la sienne en le caressant de la main, tandis que de son côté il abaissait vers elle ses longues oreilles, elle entendit une voix enrouée qui criait :

« Qué que t’as, vieux coquin ? Attends un peu, j’y vas, j’y vas, mon garçon. »

En effet un bruit de pas pressés résonna bientôt sur les cailloux du chemin, et Perrine vit paraître un homme vêtu d’une blouse et coiffé d’un chapeau en cuir qui arrivait la pipe à la bouche.

« Hé ! gamine, qué tu fais à mon âne ? » cria-t-il sans retirer sa pipe de ses lèvres.

Tout de suite Perrine reconnut La Rouquerie, la chiffonnière habillée en homme à qui elle avait vendu Palikare au Marché aux chevaux, mais la chiffonnière ne la reconnut pas et ce fut seulement après un certain temps qu’elle la regarda avec étonnement :

« Je t’ai vue quelque part ? dit-elle.

— Quand je vous ai vendu Palikare.

— Comment, c’est toi, fillette, que fais-tu ici ? »

Perrine n’eut pas à répondre ; une faiblesse la prit qui la força à s’asseoir, et sa pâleur ainsi que ses yeux noyés parlèrent pour elle.