Page:Malot - En famille, 1893.djvu/154

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
148
EN FAMILLE.

Puisqu’il en était ainsi, Perrine crut qu’elle ne devait pas se faire prier, et elle prit place à la table.

« J’ai aussi parlé pour votre logement, c’est arrangé : vous n’aurez qu’à donner vos vingt-huit sous à mère Françoise ; v’là où vous habiterez. »

Du doigt elle montra un bâtiment aux murs d’argile dont on n’apercevait qu’une partie au fond de la cour, le reste étant masqué par la maison en briques, et ce qu’on en voyait paraissait si usé, si cassé qu’on se demandait comment il tenait encore debout.

« C’était là que mère Françoise demeurait avant de faire construire notre maison avec l’argent qu’elle a gagné comme nourrice de M. Edmond. Vous n’y serez pas aussi bien que dans la maison ; mais les ouvriers ne peuvent pas être logés comme les bourgeois, n’est-ce pas ? »

À une autre table placée à une certaine distance de la leur, un homme de quarante ans environ, grave, raide dans un veston boutonné, coiffé d’un chapeau à haute forme, lisait avec une profonde attention un petit livre relié.

« C’est M. Bendit, il lit son Pater, » dit Rosalie à voix basse.

Puis tout de suite, sans respecter l’application de l’employé, elle s’adressa à lui :

« M. Bendit, voilà une jeune fille qui parle anglais.

— Ah ! » dit-il sans lever les yeux.

Et ce ne fut qu’après deux minutes au moins qu’il tourna les yeux vers elles.

« Are you an English girl ? demanda-t-il.

No sir, but my mother was. »