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EN FAMILLE.

serrer, mais comme ce n’était pas le cas de Perrine, le clou planté aux pieds de son lit lui suffisait de reste.

« Vous serez avec des braves gens, dit Rosalie ; si la Noyelle cause dans la nuit, c’est qu’elle aura trop bu, il ne faudra pas y faire attention : elle est un peu bavarde. Demain, levez-vous avec les autres ; je vous dirai ce que vous devrez faire pour être embauchée. Bonsoir.

— Bonsoir et merci.

— Pour vous servir. »

Perrine se hâta de se déshabiller, heureuse d’être seule et de n’avoir pas à subir la curiosité de la chambrée. Mais en se mettant entre ses draps elle n’éprouva pas la sensation de bien-être sur laquelle elle comptait tant ils étaient rudes : tissés avec des copeaux, ils n’eussent pas été plus raides, mais cela était insignifiant, la terre aussi était dure la première fois qu’elle avait couché dessus, et, bien vite, elle s’y était habituée.

La porte ne tarda pas à s’ouvrir et une jeune fille d’une quinzaine d’années étant entrée dans la chambre commença à se déshabiller, en regardant de temps en temps du côté de Perrine, mais sans rien dire. Comme elle était endimanchée, sa toilette fut longue, car elle dut ranger dans une petite caisse ses vêtements des jours de fête, et accrocher à un clou pour le lendemain ceux du travail.

Une autre arriva, puis une troisième, une quatrième ; alors, ce fut un caquetage assourdissant ; toutes parlant en même temps, chacune racontait sa journée ; dans l’espace ménagé entre les lits elles tiraient et repoussaient leurs boîtes ou leurs paniers qui s’enchevêtraient les uns dans les autres, et cela