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EN FAMILLE.

et en roseaux qu’on appelle dans le pays des aumuches et qui servent l’hiver pour la chasse aux oiseaux de passage. Alors l’idée lui vint que si elle pouvait gagner cette hutte, elle s’y trouverait bien cachée, sans que personne pût se demander ce qu’elle faisait dans les prairies à cette heure matinale, et aussi sans continuer à recevoir les grosses gouttes de rosée qui ruisselaient des branches formant couvert au-dessus du chemin et la mouillaient comme une vraie pluie.

Elle redescendit et, en cherchant, elle finit par trouver dans une oseraie un petit sentier à peine tracé, qui semblait conduire à l’aumuche ; elle le prit. Mais s’il y conduisait bien, il ne conduisait pas jusque dedans car elle était construite sur un tout petit îlot planté de trois saules qui lui servaient de charpente, et un fossé plein d’eau la séparait de l’oseraie. Heureusement un tronc d’arbre était jeté sur ce fossé, bien qu’il fût assez étroit, bien qu’il fût aussi mouillé par la rosée qui le rendait glissant, cela n’était pas pour arrêter Perrine. Elle le franchit et se trouva devant une porte en roseaux liés avec de l’osier qu’elle n’eut qu’à tirer pour qu’elle s’ouvrît.

L’aumuche était de forme carrée et toute tapissée jusqu’au toit d’un épais revêtement de roseaux et de grandes herbes : aux quatre faces étaient percées des petites ouvertures invisibles du dehors, mais qui donnaient des vues sur les entours et laissaient aussi pénétrer la lumière ; sur le sol était étendue une épaisse couche de fougères ; dans un coin un billot fait d’un tronc d’arbre servait de chaise.

Ah ! le joli nid ! qu’il ressemblait peu à la chambre qu’elle venait de quitter. Comme elle eût été mieux là pour dormir,