Page:Malot - En famille, 1893.djvu/189

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
183
EN FAMILLE.

chemin, mais au-dessus de sa tête elle voyait l’aube blanchir déjà la cime des arbres et le faîte des maisons ; dans quelques instants il ferait jour. À ce moment une sonnerie éclata au milieu du profond silence : c’était l’horloge de l’usine qui, en frappant trois coups, lui disait qu’elle avait encore trois heures avant l’entrée aux ateliers.

Qu’allait-elle faire de ce temps ? Ne voulant pas se fatiguer avant de se mettre au travail, elle ne pouvait pas marcher jusqu’à ce moment, et dès lors le mieux était qu’elle s’assît quelque part où elle pourrait attendre.

De minute en minute, le ciel s’était éclairci, et les choses autour d’elle avaient pris, sous la lumière rasante qui les frappait, des formes assez distinctes pour qu’elle reconnût où elle était.

Précisément au bord d’une entaille qui commençait là, et paraissait prolonger sa nappe d’eau, pour la réunir à d’autres étangs et se continuer ainsi d’entailles en entailles les unes grandes, les autres petites, au hasard de l’exploitation de la tourbe, jusqu’à la grande rivière. N’était-ce pas quelque chose comme ce qu’elle avait vu en quittant Picquigny, mais plus retiré, semblait-il, plus désert, et aussi plus couvert d’arbres dont les files s’enchevêtraient en lignes confuses ?

Elle resta là un moment, puis la place ne lui paraissant pas bonne pour s’asseoir, elle continua son chemin qui, quittant le bord de l’entaille, s’élevait sur la pente d’un petit coteau boisé ; dans ce taillis sans doute elle trouverait ce qu’elle cherchait.

Mais comme elle allait y arriver, elle aperçut au bord de l’entaille qu’elle dominait une de ces huttes en branchages