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EN FAMILLE.

« N’ayez donc pas peur, répondit Rosalie qui avait compris son émotion ; rien n’est plus facile. »

Perrine devina le sens de ces paroles plutôt qu’elle ne les entendit ; car, depuis quelques instants déjà, les machines, les métiers s’étaient mis en marche dans l’usine, morte lorsqu’elle y était entrée, et maintenant un formidable mugissement, dans lequel se confondaient mille bruits divers, emplissait les cours ; aux ateliers, les métiers à tisser battaient, les navettes couraient, les broches, les bobines tournaient, tandis que dehors, les arbres de transmission, les roues, les courroies, les volants, ajoutaient le vertige des oreilles à celui des yeux.

« Voulez-vous parler plus fort ? dit Perrine, je ne vous entends pas.

— L’habitude vous viendra, cria Rosalie, je vous disais que ce n’est pas difficile ; il n’y a qu’à charger les cannettes sur les wagonets ; savez-vous ce que c’est qu’un wagonet ?

— Un petit wagon, je pense.

— Justement, et quand le wagonet est plein, à le pousser jusqu’au tissage où on le décharge ; un bon coup au départ, et ça roule tout seul.

— Et une cannette, qu’est-ce que c’est au juste ?

— Vous ne savez pas ce que c’est qu’une cannette ? oh ! Puisque je vous ai dit hier que les cannetières étaient des machines à préparer le fil pour les navettes ; vous devez bien voir ce que c’est.

— Pas trop. »

Rosalie la regarda, se demandant évidemment si elle était stupide ; puis elle continua :