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EN FAMILLE.

« Allez-vous me fiche le camp ? V’là-t-il pas une affaire !

— C’était peut-être pas une affaire quand vous avez eu la quille écrasée », murmura une voix.

Il chercha qui avait osé lâcher cette réflexion irrespectueuse, mais il lui fut impossible de trouver une certitude dans le tas. Alors il n’en cria que plus fort :

« Fichez-moi le camp ! »

Lentement on se sépara, et Perrine comme les autres allait retourner à son wagonet quand la Quille l’appela :

« Hé, la nouvelle arrivée, viens ici, toi, plus vite que ça. »

Elle revint craintivement, se demandant en quoi elle était plus coupable que toutes celles qui avaient abandonné leur travail ; mais il ne s’agissait pas de la punir.

« Tu vas conduire cette bête-là chez le directeur, dit-il.

— Pourquoi que vous m’appelez bête ? cria Rosalie, car déjà le tapage des machines avait recommencé.

— Pour t’être fait prendre la patte, donc.

— C’est-y ma faute ?

— Bien sûr que c’est ta faute, maladroite, feignante. »

Cependant il s’adoucit :

« As-tu mal ?

— Pas trop.

— Alors file. »

Elles sortirent toutes les deux, Rosalie tenant sa main blessée, la gauche, dans sa main droite.

« Voulez-vous vous appuyer sur moi ? demanda Perrine.

— Merci bien ; ce n’est pas la peine, je peux marcher.

— Alors cela ne sera rien, n’est-ce pas ?