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EN FAMILLE.

de bruit, la population de l’étang, rassurée, revenait à son nid pour la nuit, et à chaque instant c’étaient des vols qui rayaient l’or du couchant, ou des apparitions d’oiseaux aquatiques qui sortaient avec précaution des roseaux et nageaient doucement, le cou allongé, la tête aux écoutes pour reconnaître la position. Et comme leur réveil l’avait amusée le matin, leur coucher maintenant la charmait.

Quand elle eut achevé son pain, qui tourna court, bien qu’elle fît, à mesure qu’il diminuait, les morceaux de plus en plus petits, les eaux de l’étang, quelques instants auparavant brillantes comme un miroir, étaient devenues sombres, et le ciel avait éteint son éblouissant incendie ; dans quelques minutes la nuit descendrait sur la terre, l’heure du coucher avait sonné.

Mais avant de fermer sa porte et de s’étendre sur son lit de fougère, elle voulut prendre une dernière précaution, qui était d’enlever le pont jeté sur le fossé. Assurément elle se croyait en pleine sécurité dans l’aumuche ; personne ne viendrait la déranger, de cela elle était sûre ; et, en tout cas, on ne pourrait pas en approcher sans que les habitants de l’étang, qui avaient l’oreille fine, lui donnassent l’éveil par leurs cris ; mais enfin, tout cela n’empêchait pas que l’enlèvement du pont, s’il était possible, ne fût une bonne chose.

Et puis il n’y avait pas que la question de sécurité dans cet enlèvement, il y avait aussi celle du plaisir : est-ce que ce ne serait pas amusant de se dire qu’elle était sans aucune communication avec la terre, dans une vraie île dont elle prenait possession ? quel malheur de ne pas pouvoir hisser un drapeau sur le toit comme cela se voit dans les récits de voyages, et de tirer un coup de canon.