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EN FAMILLE.

— Si cela pouvait être vrai ! »

Elle jeta ces quelques mots avec un accent si ému, que M. Vulfran en fut frappé.

« Tu vois comme au fond du cœur, tu souhaites d’être accueillie par eux.

— Mais il n’est rien que je redoute tant que d’être repoussée.

— Et pourquoi le serais-tu ? Tes grands parents avaient-ils d’autres enfants que ton père ?

— Non.

— Pourquoi ne seraient-ils pas heureux que tu leur tiennes lieu du fils perdu ? Tu ne sais pas ce que c’est que d’être seul au monde.

— Mais justement je ne le sais que trop.

— La jeunesse isolée qui a l’avenir devant elle, n’est pas du tout dans la même situation que la vieillesse, qui n’a que la mort. »

S’il ne pouvait pas la voir, elle de son côté ne le quittait pas des yeux, tâchant de lire en lui les sentiments que ses paroles trahissaient : après cette allusion à la vieillesse, elle s’oublia à chercher sur sa physionomie la pensée du fond de son cœur.

« Eh bien, dit-il après un moment d’attente, que décides-tu ?

— N’allez pas imaginer, monsieur, que je balance ; c’est l’émotion qui m’empêche de répondre ; ah ! si je pouvais croire que ce serait une fille qu’on recevrait, non une étrangère qu’on repousserait !

— Tu ne connais rien de la vie, pauvre petite ; mais sache