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EN FAMILLE.

repoussait ? Assurée de ne pas mourir de faim, j’ai très peur de courir de nouvelles aventures. Je ne m’y exposerais que si j’avais des chances de mon côté.

— Ces parents se sont-ils jamais occupés de toi ?

— Jamais.

— Alors ta prudence peut être avisée ; cependant si tu ne veux pas courir l’aventure d’aller frapper à une porte qui reste fermée et te laisse dehors, pourquoi n’écrirais-tu pas, soit à tes parents, soit au maire ou au curé de ton village ? Ils peuvent n’être pas en état de te recevoir ; et alors tu restes ici où ta vie est assurée. Mais ils peuvent aussi être heureux de te recevoir à bras ouverts ; alors tu trouves près d’eux une affection, des soins, un soutien qui te manqueront si tu restes ici ; et il faut que tu saches que la vie est difficile pour une fille de ton âge qui est seule au monde,… triste aussi.

— Oui, monsieur, bien triste, je le sais, je le sens tous les jours, et je vous assure que si je trouvais des bras ouverts, je m’y jetterais avec bonheur ; mais s’ils restent aussi fermés pour moi qu’ils l’ont été pour mon père…

— Tes parents avaient-ils des griefs sérieux contre ton père, je veux dire légitimes par suite de fautes graves ?

— Je ne peux pas penser que mon père que j’ai connu si bon pour tous, si brave, si généreux, si tendre, si affectueux pour ma mère et pour moi, ait jamais rien fait de mal ; mais enfin ses parents ne se sont pas fâchés contre lui et avec lui sans raisons sérieuses, il me semble.

— Évidemment ; mais les griefs qu’ils pouvaient avoir contre lui, ils ne les ont pas contre toi ; les fautes des pères ne retombent pas sur les enfants.