Quand elle eut traduit les ordres qu’il voulait donner aux monteurs, il partit, et ce jour-là il ne fut pas question de lire des journaux.
Mais qu’importait ; ce n’était pas quand le lendemain semblait assuré, qu’elle allait prendre souci d’une déception pour le jour présent.
« J’aurai besoin de toi aussi à Maraucourt. »
Ce fut la parole qu’elle se répéta dans le chemin qu’en venant à Saint-Pipoy, elle avait fait à côté de Guillaume. À quoi allait-elle être employée ? Son esprit s’envola, mais sans pouvoir s’accrocher à rien de solide. Une seule chose était certaine : elle ne retournait point aux cannetières. Pour le reste il fallait attendre ; mais non plus dans la fièvre de l’angoisse, car ce qu’elle avait obtenu lui permettait de tout espérer, si elle avait la sagesse de suivre la ligne que sa mère lui avait tracée avant de mourir, lentement, prudemment, sans rien brusquer, sans rien compromettre : maintenant elle tenait entre ses mains sa vie qui serait ce qu’elle la ferait ; voilà ce qu’elle devait se dire chaque fois qu’elle aurait une parole à prononcer, chaque fois qu’elle aurait une résolution à prendre, chaque fois qu’elle risquerait un pas en avant ; et cela sans pouvoir demander conseil à personne.
Elle s’en revint à Maraucourt en réfléchissant ainsi, marchant lentement, s’arrêtant lorsqu’elle voulait cueillir une fleur dans le pied d’une haie, ou bien lorsque par-dessus une barrière une jolie échappée de vue s’offrait à elle sur les prairies et les entailles : un bouillonnement intérieur, une sorte de fièvre la poussaient à hâter le pas, mais volontairement elle le ralentissait ; à quoi bon se presser ? C’était une habitude