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EN FAMILLE.

voulait avoir des renseignements sur toi, a dit que tu n’as passé qu’une nuit chez sa mère, et que tu as disparu sans que personne sache ce que tu as fait depuis ce temps-là. »

Perrine avait écouté le commencement de cet interrogatoire avec émoi, mais à mesure qu’il avançait elle s’était affermie.

« Il y a quelqu’un qui sait ce que j’ai fait depuis que j’ai quitté la chambrée de mère Françoise.

— Qui ?

— Rosalie, sa petite fille qui peut vous confirmer ce que je vais vous dire, si vous trouvez que ce que j’ai pu faire depuis ce jour mérite d’être connu de vous.

— La place que je te destine auprès de moi, exige que je sache ce que tu es.

— Eh bien, monsieur, je vais vous le dire. Quand vous le saurez, vous ferez venir Rosalie, vous l’interrogerez sans que je l’aie vue, et vous aurez la preuve que je ne vous ai pas trompé.

— Cela peut en effet se faire ainsi, dit-il d’une voix adoucie, raconte donc. »

Elle fit ce récit en insistant sur l’horreur de sa nuit, dans la chambrée, son dégoût, ses malaises, ses nausées, ses suffocations.

« Ne pouvais-tu supporter ce que les autres acceptent ?

— Les autres n’ont sans doute pas vécu comme moi en plein air, car je vous assure que je ne suis difficile en rien, ni sur rien et que la misère m’a appris à tout endurer ; je serais morte ; et je ne pense pas que ce soit une lâcheté d’essayer d’échapper à la mort.