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Page:Malot - En famille, 1893.djvu/342

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EN FAMILLE.

— Sait-elle conduire ?

Ses parents étaient des marchands ambulants, elle a conduit leur voiture bien souvent ; n’est-ce pas, petite ?

— Certainement, monsieur.

— D’ailleurs, Coco est un mouton ; si on ne le jette pas dans un fossé, il n’ira pas de lui-même. »

Il monta en voiture, et Perrine prit place près de lui, attentive, sérieuse, avec la conscience bien évidente de la responsabilité dont elle se chargeait.

« Pas trop vite, dit M. Vulfran, quand elle toucha Coco du bout de son fouet légèrement.

— Je ne tiens pas du tout à aller vite, je vous assure, monsieur.

— C’est déjà quelque chose. »

Quelle surprise quand, dans les rues de Maraucourt, on vit le phaéton de M. Vulfran conduit par une petite fille coiffée d’un chapeau de paille noire, vêtue de deuil, qui conduisait sagement le vieux Coco, au lieu de le mener du train désordonné que Guillaume obligeait la vieille bête à prendre bien malgré elle ! Que se passait-il donc ? Quelle était cette petite fille ? Et l’on se mettait sur les portes pour s’adresser ces questions, car les gens étaient rares dans le village qui la connaissaient, et plus rares encore ceux qui savaient quelle place M. Vulfran venait de lui donner auprès de lui. Devant la maison de mère Françoise, la tante Zénobie causait appuyée sur sa barrière avec deux commères ; quand elle aperçut Perrine, elle leva les deux bras au ciel dans un mouvement de stupéfaction, mais aussitôt elle lui adressa son salut le plus avenant accompagné de son meilleur sourire, celui d’une amie véritable.